Le jour où… « J’ai décidé de me faire aider dans la maison »
Aline, agricultrice dans la Sarthe, 50 ans
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«C’était en décembre 2013. Nous venions d’installer notre fils et la taille de notre exploitation avait plus que doublé. En lait, nous étions passés de quarante à cent vaches et la traite, à laquelle je participe matin et soir depuis une dizaine d’années, me prenait deux fois plus de temps. Ce jour-là, j’ai dit à mon mari : je ne continue pas comme ça, je prends quelqu’un pour m’aider dans la maison.
Je me connais, quand le ménage n’est pas fait, je deviens très pénible, j’en veux à la terre entière. Pendant longtemps, je me suis d’ailleurs demandé pourquoi je réagissais de cette manière, pourquoi j’étais aussi exigeante. Et puis, il y a quelques années, à l’occasion d’une formation sur l’autorité parentale, j’ai compris ce qui se jouait, se rejouait dans ces moments-là. Je viens d’une famille d’agriculteurs, nous étions six enfants et maman était malade. Elle souffrait de dépression. À l’époque, cette maladie était taboue. Il ne fallait pas que ça se voie. Alors, nous devions toujours être tirés à quatre épingles et la maison aussi. Quand je n’ai pas le temps de faire le ménage chez moi, c’est toute cette époque, toute cette pression qui remonte. C’est tout cela qui ressurgit.
Accepter le regard des autres
Aujourd’hui, Marie vient deux heures par semaine, le vendredi matin. Elle me libère des tâches ménagères, ce qui me rend plus zen au travail et à la maison. Je lui fais totalement confiance, mais ce n’est pas tout. Elle a soixante-deux ans, son expérience de la vie et son ouverture d’esprit me sont précieuses. Ensemble, nous échangeons de femme à femme et nous avons réussi à nouer une relation en profondeur.
Vis-à-vis de ma famille, je n’ai eu aucun mal à dire que je me faisais aider. Mes sœurs, dont deux sont également agricultrices, l’ont su très vite et elles ont, d’ailleurs, fait la même démarche que moi. J’ai, par contre, eu beaucoup plus de mal à assumer ma décision par rapport à ma belle-mère. Il m’a fallu plusieurs mois pour le lui dire. Je culpabilisais, je craignais son regard. Aujourd’hui, je sais que ce n’était pas fondé et je vois aussi de plus en plus d’agricultrices de ma génération se faire aider. C’est bien, et c’est même nécessaire. »
Propos recueillis par Anne MabirePour accéder à l'ensembles nos offres :